La quatrième proposition

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Parce que l'étoile du pôle, auprès de laquelle s'arrête le point ou hauteur du monde immobile, n'est connu que par deux moyens, vous pourrez parvenir facilement à cette connaissance en la manière qui s'ensuit. Entendez par imagination une ligne droite des deux dernières étoiles du chariot, jusqu'à la plus prochaine étoile du pôle, laquelle est appelée des maronniers (hommes de la mer, mariniers) l'étoile de la mer, et des Astrologiens Alrukaba (une des nombreuses dénominations de l'étoile Polaire). La figure et situation desdites étoiles, lesquelles sont semblables à un chariot, vous pouvez les voir en la figure qui s'ensuit. En laquelle la ligne produite par points montre l'étoile du pôle, non point qu'elle soit le vrai pôle, mais l'étoile la plus proche dudit pôle.

Ou autrement :

Mettez le compas ou quadrant (duquel usent ceux qui vont en chemin) comme l'on a coutume, et si vous étendez la vue au long du fillet ou languette dudit compas jusqu'au firmament, vous trouverez avec les rays de votre vue le pôle septentrional, lequel est autrement dit Arcticus, Borealis, ou Aquilonatius, sur lequel le monde se tourne. Et le vrai pôle du monde est le point qu'on imagine, sans le pouvoir comprendre par quelque sens de nature, auprès duquel la susdite étoile se remue et fait son cours à l'entour.

La quatrième proposition explique deux méthodes pour repérer l'Étoile polaire ou la Polaire (Polaris), α Ursae minor, l'étoile principale de la constellation de la Petite Ourse.

La première méthode décrit un procédé de repérage de la Polaire, bien connu des astronomes amateurs, à l'aide d'une ligne virtuelle menée depuis deux étoiles de la constellation de la Grande Ourse, Merak et Dubhe, β et α Ursae majoris, (duabus stellis maioris Ursae). La première étoile brillante se trouvant à proximité de cette ligne est l'Étoile polaire (magnitude visuelle ≈ 2). La gravure illustrant la quatrième proposition représente Ursae major sous deux formes populaires, la Grande Ourse et le Grand Chariot (plaustrum) appelée également Grande Casserole. Notez la présence d'Alcor, compagnon de l'étoile Mizar, ζ Ursae majoris, bien visible à l'oeil nu.
La deuxième méthode requiert l'usage d'un compas (compassus), instrument présent sur la gravure ci-dessous.

L'étoile Polaire ou Alpha Polaris

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Source : http://library.si.edu/digital-library/book/cosmographicusl00apia - folio 21

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Source : Cartes du Ciel - http://www.ap-i.net/skychart/fr/start

Pour un observateur de l'hémisphère boréal, l'étoile Polaire semble être le centre de la ronde des étoiles. Vers l'an 1500, La Polaire était à environ 3,5° d'arc de l'axe de rotation de la Terre projeté dans l'espace. De nos jours, elle se trouve à moins d'un degré d'arc (45' d'arc) de celui-ci. Du fait principalement de la précession des équinoxes, elle s'en rapprochera au plus près en 2100 (env. 36' d'arc).
Reconnaître l'étoile polaire dans le ciel de l'hémisphère Nord permet à un observateur de situer immmédiatement les points cardinaux de son lieu d'observation. Pour les navigateurs de la Renaissance, la Polaire constituait un repère capable de fournir la latitude. Nous avons vu, au huitième chapitre, l'instrument de papier demontrant l' égalité de la latitude et de la hauteur du Pôle nord céleste sur l'horizon. Tant que l'étoile polaire était visible, au-dessus de l'équateur, le calcul de la latitude était possible moyennant quelques corrections à apporter lors de la mesure de sa hauteur (la Polaire n'est pas exactement au centre de rotation de la sphère céleste).