L'instrument de papier
Voici l'instrument présenté dans la première édition en latin de
Cosmographicus Liber, l'
editio princeps, imprimée à Landshut en 1524 par Joannis Weyssenburgers
(Landshutae, 1524, f.24). L'image provient d'un ouvrage numérisé de la Smithsonian Library de Washington
consultable via ce
lien.
Les volvelles de Pierre Apian sont composées de plusieurs éléments de papier, certains étant mobiles autour un axe.
Ce sont de véritables outils didactiques, permettant au lecteur de passer de la théorie à la pratique.
Celle qui nous intéresse ici est une
sorte cadran solaire universel qui permet entre autres :
• la mesure de l'heure solaire vraie
• la détermination de la latitude d'un lieu
• le calcul des levers et des couchers de Soleil
• le calcul de la durée des crépuscules et des aurores
Neuf propositions sont exposées par Apian afin d'utiliser son instrument de papier. Elles seront détaillées ci-après.
Description de l'instrument
Pour réaliser son instrument qu'il qualifie de «spécial, particulier»
(organum speciale), Pierre Apian a utilisé une projection orthographique de la sphère céleste sur le plan
méridien.
« C'est la plus simple des projections sphère-plan qui s'obtient en illuminant une sphère transparente par un
pinceau de lumière parallèle. ». Cette projection utilisée dès l'Antiquité porte le nom d'analemme
(c'est un homonyme de la figure en forme de 8 tracée dans le ciel, au cours de l'année, par les différentes
stations méridiennes du Soleil). Claude Ptolémée composa un traité sur le sujet : «De l'analemme», ouvrage
lacunaire traduit au XVIe siècle par
Federico Commandino.
Dans son Histoire de l'Astronomie Ancienne (Vol,2 page 458), voici ce qu'écrit Delambre au chapitre concernant l'analemme
« L'analemme est la description de la sphère sur un plan. On y trace les sections des différents cercles, tels que les parallèles diurnes et tout ce qui peut faciliter la science des ombres et des cadrans. Cette description se fait par des perpendiculaires abaissées sur le plan; ce qui lui a fait donner par les modernes le nom de projection orthographique. (…) Les cercles principaux de l'analemme sont l'horizon, le premier vertical et le méridien..».
Pour (re)dessiner l'instrument de Pierre Apian, j'ai utilisé le logiciel libre
Géogébra avec une routine de
construction, présentée dans l'ouvrage «Instruments scientifiques à travers l'histoire» paru en 2004 aux
Éditions Ellipses sous la direction d'Élisabeth Hébert (page 151, Chapitre 7 de Véronique Hauguel – Tournent,
tournent les volvelles) . J'ai également utilisé le passionnant ouvrage de Raymond d'Hollander (1918-2013)
«L'Astrolabe, histoire, théorie et pratique», paru en 1999 aux Éditions Institut océanographique (page 263, Chapitre
IX - L'astrolabe de Rojas) et l'excellent opuscule d'Yvon Massé «De l'analemme aux cadrans de hauteur»
paru en 2009 à compte d'auteur.
J'ai réalisé deux constructions avec Geogebra, la première s'inspirant de l'ouvrage «Instruments
scientifiques à travers l'histoire», et la seconde de l'ouvrage «L'Astrolabe, histoire, théorie et
pratique». J'aborde leur petite différence à la fin de cet article.
L'instrument se compose de quatre éléments de papier superposés et de deux fils à plomb
① Support fixe, la page de l'ouvrage dans la version imprimée, comportant un quart de cercle gradué de 0 à
90° dont le centre est centre de rotation des autres éléments de l'instrument.
② Disque mobile sur lequel sont tracés :
• des arcs horaires gradués de 1h à 12h sur la partie supérieure du disque et à l'inverse sur la partie
inférieure. La circonférence du disque correspond à l'arc horaire des 12 heures.
• des lignes
parallèles espacées par des intervalles de 10° correspondant aux déclinaisons du Soleil lorsque
celui-ci parcourt les différents signes du zodiaque. La ligne centrale correspond à l'équateur céleste, les deux
lignes extérieures correspondent au tropique du Cancer (en haut) et au tropique du Capricorne (en bas).
• un calendrier zodiacal de part et d'autre des extrémités des parallèles de déclinaison. Chaque calendrier
est composé des douze signes du zodiaque, opposés deux à deux. Chaque signe réunit trois lignes parallèles de
déclinaison soit 30°.
• deux index polaires diamétralement opposés avec le pôle Nord situé sur le haut du disque mobile.
③ Triangle rectangle isocèle, mobile autour d'un point situé hors du sommet opposé à l’hypoténuse.
L'un des côtés du triangle porte une pinnule de papier qui se relève à 90° faisant office de gnomon.
④ Languette rectangulaire correspondant à la ligne horizon, mobile autour d'un point situé hors de sa surface.
Elle est maintenue en position verticale, sur la graduation 0 du quart de cercle gradué, par un morceau de cire. Elle porte,
sur sa moitié inférieure, un repère de verticalité sur lequel vient pendre l'un des deux fils à plomb
⑤ Deux fils à plomb fixés pour l'un sur le haut du repère de verticalité de la languette horizon, pour
l'autre sur un point situé sur le côté du triangle rectangle, en direction du quart de cercle gradué, à
l'intersection du diamètre du disque mobile.
Diverses inscriptions en latin figurent sur les quatre éléments :
- • Sur le support fixe ①, Zénith en regard de la graduation 90° du quart de cercle gradué.
- • Sur le disque mobile ②, Index, Elevatio Poli (Élévation du pôle), Horae po(st)meridianae (Heures d'après-midi), Horae antemeridianae (Heures d'avant-midi), Polus Antarticus (Pôle sud), les symboles graphiques des douze signes du zodiaque et les graduations horaires de 1h à 12h au-dessus et au-dessous des parallèles de déclinaison.
- • Sur le triangle rectangle ③, Trigonus (triangle), Linea Umbrae (Ligne des ombres), Pinnacidium (Pinnule).
- • Sur la languette horizon ④, Horizon Vel Linea Ortus (Horizon ou Lignes des Levers) et Linea Aurorae Vel Crespusculina (Lignes des Aurores ou des Crépuscules ?).